La Physique du SARS-CoV-2

Transmission aérienne des maladies infectieuses

Prologue

Royaume-Uni, août 1978 : des chercheurs britanniques de l’École de Médecine de l’Université de Birmingham décident d’entreprendre une étude du virus de la variole 1. Pour effectuer leurs expériences, ces chercheurs s’enferment dans un laboratoire supposé « étanche ». Bilan : un mort.

De façon surprenante, le mort n’est pas situé dans la pièce où le flacon contenant le virus a été ouvert. Le mort n’est pas non plus situé dans les pièces immédiatement adjacentes au laboratoire. Non : le mort se trouve à l’étage supérieur !

Après décontamination des locaux, une équipe de physiciens investit les lieux et vaporisent une solution d’iodure de potassium (KI), un composé chimique relativement inoffensif et très facile à détecter 2. Un scénario possible 3 de l’accident émerge : après ouverture du flacon contenant la variole, de fines gouttelettes (« aérosols ») contenant le virus se sont formées, se sont élevées dans l’air, puis ont pénétrées dans un conduit de ventilation par lequel elles sont montées jusqu’à l’étage supérieur. Là, les fines gouttelettes sont ressorties du conduit par une  bouche de ventilation, avant de finir par se déposer en divers endroits, et en particulier sur un téléphone que la victime avait coutume d’utiliser fréquemment.

Cet incident illustre de façon spectaculaire l’importance de la compréhension du comportement des aérosols dans la transmission aérienne des maladies infectieuses.


Nuage d'aérosols émis lors d'un éternuement humain (photo : Lydia Bourouiba -- MIT)

  • ENS, Mécanismes d’une propagation virale et conditions de formation d’un virus, Composition de Physique de la filière BCPST (2022), pdf

En l'absence de masques, les différents types d'aérosols pénètrent dans l'appareil respiratoire du sujet exposé. Source : Donald Milton (School of Public Health -- University of Maryland)

Orientation bibliographique

  • UCSF School of Medicine, Covid-19: How the Virus Gets in and How to Block It: Aerosols, Droplets, Masks, Face Shields, & More, YouTube (16 juil. 2020), web
  • Lydia Bourouiba, Turbulent Gas Clouds and Respiratory Pathogen Emissions — Potential Implications for Reducing Transmission of COVID-19, JAMA Insights, (March 26, 2020), doi:10.1001/jama.2020.4756
  • Florian Poydenot, Ismael Abdourahamane, Elsa Caplain, Samuel Der, Jacques Haiech, et al., Risk assessment for long and short range airborne transmission of SARS-CoV-2, indoors and outdoors, using carbon dioxide measurements, (2021), hal-03213146
  • Florian Poydenot, Ismael Abdourahamane, Elsa Caplain, Samuel Der, Antoine Jallon, et al., Turbulent dispersion of breath by the wind, American Journal of Physics 90 (11) (2022), 826-832, doi.org/10.1119/5.0064826
  • Florian Poydenot, Alice Lebreton, Jacques Haiech et Bruno Andreotti, At the crossroads of epidemiology and biology: Bridging the gap between SARS-CoV-2 viral strain properties and epidemic wave characteristics, Biochimie 213 (2023),  54-65, doi.org/10.1016/j.biochi.2023.03.006

Notes

  1. La variole ou « petite vérole » (smallpox) était une maladie infectieuse d’origine virale, très contagieuse et épidémique. Jusqu’au XVIIIe siècle, elle a été responsable de dizaines de milliers de morts par an rien qu’en Europe. La variole a été totalement éradiquée en 1980.
  2.  Raymond P. Clark et Mervyn L. de Calcina-Goff, Some aspects of the airborne transmission of infection, Journal of the Royal Society Interface 6 (2009), S767-782, doi: 10.1098/rsif.2009.0236.focus
  3.  Ce scénario reste controversé. L’enquête gouvernementale officielle n’a jamais pu déterminer avec certitude les causes de la contamination. Lire e.g. : Mark Pallen, The Last Days of Smallpox: Tragedy in Birmingham, (2018), ISBN 978-1-9804-5522-6.
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